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Splendeurs et misères d'une fille (à peu près) normale
25 octobre 2013

Madame la marquise de Sévigné

J'imagine un laquais l'annonçant ainsi dans un des vastes salons de l'hôtel de Rambouillet. "Madaaaaaaaaaaaame la marquise de Sévigné". L'air plein de componction du laquais, le léger crissement de la robe, les plumes de l'éventail... Et toute une assemblée bruissante du plaisir de voir cette femme si spirituelle, si drôle et, pour tout dire, si... bretonne ?

Les Lettres de 1671 sont au programme de l'agrégation pour la seconde année consécutive (et la dernière, donc). La première fois, il faut bien l'avouer, ce n'est pas franchement une partie de plaisir. On n'y comprend rien. Tous ces Mr d'Hacqueville, ces Mme de Marans, ces compliments à faire et à recevoir, ces visites faites chez de parfaits inconnus comme les Lavardin, ce festival enfin de noms propres, c'est extrêmement indigeste. Cependant, à force de patience et d'opiniâtreté, on finit par ne plus se laisser épouvanter par cette foule anonyme (et moins anonyme, on y côtoie tout de même La Rochefoucauld et Mme de La Fayette) et par goûter le merveilleux style de la marquise.

Ecole_francaise_du_XVIIIe_siecle_Portrait_de_Mme_de_Sevigne_huile_sur_toile_Musee_Carnavalet_Paris_-2

Soudain, c'est comme un voile qui se déchire. Et l'humour, subtil ou burlesque selon l'humeur, fait rage en ces pages. Une fois évacuée la litanie de l'amour maternel, on perçoit toute la virtuosité de cette femme de lettres tellement cultivée qu'elle glisse partout des références, qu'on ne perçoit pas toujours au premier abord. Pastiches de La Fontaine et de Corneille, maximes à la manière de son ami La Rochefoucauld, parodies de tragédies raciniennes, toute la galerie des plus grands noms du XVIIe défile sous la plume alerte de cette femme anti-conformiste.

Au bout de la troisième lecture, j'ai même pu rire. C'est vous dire.

L'étude de la littérature a ceci de fascinant qu'un texte qui ne plaisait pas de prime abord finit toujours par révéler des pépites, par subjuguer, d'une manière ou d'une autre. En dépassant le stade de la première lecture, superficielle, on aborde des rives souvent chatoyantes, presque toujours surprenantes, constamment intéressantes. Pas un seul texte qui n'échappe à cette loi. Ainsi les lettres de Mme de Sévigné finissent-elles par se faire peinture d'une femme incroyablement moderne. A l'époque des nourrices, elle fait preuve d'un attachement profond et constant envers ses enfants, incarnant deux siècles avant l'heure la pia mater aujourd'hui tellement en vogue (songeons à l'activisme de la leche ligue par exemple). Femme libérée, elle se fiche des conventions et des dogmes comme de sa première danse, et pratique la religion à sa guise, en vertu d'une foi personnelle. Un siècle avant que les philosophes des lumières ne viennent briser les carcans religieux ! Sans aucun véritable respect pour la Cour et les grands de son monde, malgré sa position d'aristocrate, elle s'amuse des ridicules et des faux-semblants du peuple de Saint-Germain. En découlent des historiettes satiriques que ne renieraient pas les trublions de Canal +.

Bref, la marquise, sous ses airs distingués, elle "dépote grave" !

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Commentaires
Splendeurs et misères d'une fille (à peu près) normale
  • Oh My God, Oh mon Dieu ! Telle la ritournelle, la vie déplie ses stupéfactions et ses ronrons dans ces pages hétéroclites (forcément), épiques, parfois ésotériques, souvent romantiques, un brin philanthropiques, et, je l'espère, nullement soporifiques.
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