Le Rouge et le Noir de Stendhal
Premier jour du reste de ta vie, là commence ce blog. Avec LA référence littéraire française. Et n'ergotons point sur la place du sieur dans le panthéon, d'autres le font bien mieux que nous.
Pourquoi ce choix ? D'une manière très pragmatique, je pourrais dire : par facilité. Non seulement tout le monde l'a lu (comment donc ? pas vous ?), mais en plus il se trouve qu'il est au programme de l'agrégation de Lettres cette année. Or l'agrégation, depuis l'an passé, c'est mon crampon. Ma joie, ma vie.
Certes, je l'avoue humblement, il m'arrive parfois de descendre des hautes sphères littéraires pour baguenauder dans le quotidien banal d'une mère de trois enfants, dotée d'un conjoint, d'un métier, d'une serpillère et d'un compte en banque troué.
Mais maintenant je puise aux sources pures de la littérature, grâce aux programmes que nous concocte le Minystère.
D'accord, je l'avoue, je ne suis pas tout à fait novice en la matière. Dès mon plus jeune âge j'ai têté au goulot suave : Ah ! Madame de Ségur, que d'émois avez-vous suscités en mes candides années !
Puis les livres s'entassèrent, offrant un imparable rempart entre moi et le monde hostile, dégénéré, dépravé, carnassier, de mes congénères analphabètes.
Depuis je folâtre en littérature. Et j'aime Julien.
Julien Sorel, le beau, le ténébreux et ambitieux Julien qui n'a peur de rien. Un tantinet agaçant quand il se prend pour Napoléon, mais si fichtrement réjouissant quand il s'empêtre dans la soutane des séminaristes ou dans les jupes de Mathilde. S'il n'existait pas, Julien, il faudrait l'inventer. Car il porte en lui le souffle héroïque des héros qui ne sont plus, veut conquérir le monde alors qu'il ne touche même pas le RSA, ne sait pas chanter, et ne sort pas d'une grande école de commerce. Gloire te soit rendue, Julien, toi qui sait si bien porter haut l'oriflamme de la France d'en bas, et qui, de tes yeux de braises, subjugue les marquis (de la Mole) et les barons comme qui rigole. Finalement, c'est un peu le Christophe Rocencourt des temps passés, notre Julien national. La classe en plus, puisqu'il a le bon goût de se faire condamner à mort, de disparaître en pleine gloire, comme seules savent le faire les vraies stars (je ne parle pas ici de Dalida).
Et quelle jeune fille en fleur n'a pas rêvé de se mesurer à ce petit freluquet qui tient la dragée haute au tout Paris ? Ainsi, en mes vertes années, j'aimais Julien et son cortège de rêves ratés, ses émois devant une robe, ses emportements et ses idéaux républicains. Parce qu'il incarnait l'adolescent mirifique que je n'ai jamais rencontré.
Mais aujourd'hui, je l'aime pour d'autres raisons. Qui tiennent en une phrase. Souvenez-vous : au sortir de sa première nuit avec Mme de Rênal (la sublime Mme de Rênal), conquise de haute lutte, il se dit : "Mon Dieu ! Être heureux, être aimé, n'est-ce que ça ?" (fin du chapitre XV).
Hé oui Julien, ce n'est que cela. Mais c'est tellement plus, aussi.