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Splendeurs et misères d'une fille (à peu près) normale
22 octobre 2013

La Fronde

Tout le monde connait Marguerite Duras (au moins de nom), mais qui connait Marguerite Durand ? Pourtant la seconde a sans doute fait plus pour la cause féministe que l'autre (aux audaces littéraires pourtant libératrices). Cette jeune femme replète et joviale devient journaliste presque par hasard, au Figaro, et y est chargée de faire la crititique d'un Congrès féministe. Nous sommes en 1896. Non, vous ne rêvez pas, il y avait déjà des féministes au XIXe siècle.

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Mais la dame est frondeuse. Touchée par "la logique du discours" qu'elle entend et par le bien-fondé des revendications, elle refuse d'écrire l'article demandé, et quitte le journal dans la foulée. Elle a trouvé son combat : la cause des femmes.

En 1897, elle fonde donc "La Fronde", un journal fait par des femmes et pour des femmes. On y traite de politique, de sport, de finance, d'actualités diverses et de choses plus féminines. Un journal presque comme les autres, "pas plus amusant que les autres" dira sa fondatrice. Marie-Claire avant l'heure !

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C'est avec ses perles que Marguerite réunit l'argent nécessaire pour fonder ce journal novateur, d'abord quotidien jusqu'en 1903, puis mensuel.

Qualifié de journal dreyfusard (insulte virulente à l'époque) parce que sorti en pleine bataille de l'affaire Dreyfus, en prenant le parti de l'Innocent, le journal parvient cependant à braver les tempêtes et à se faire une réputation.

Quelques mots de Marguerite pour nous éclairer sur les coulisses de cet exploit, et sur son public :

Mais si, de tout temps, les femmes écrivirent, le journalisme militant leur était étranger. Aucune, à part peut-être Séverine, n’avait avant la Fronde, exercé en France un métier qui consiste à pénétrer partout, en tout temps, à toutes heures, à se déplacer suivant les nécessités de l’information et que seuls peuvent exercer ceux qui sont libres de leur personne, de leur temps.
Les convenances de famille ou mondaines furent les plus sérieux obstacles au recrutement des rédactrices…, obstacles qu’il fut malaisé d’aplanir.

Puis, où chercher  un public ? dans quelles classes de la société La Fronde recruterait-elle ses lectrices ?

Elle pouvait espérer la clientèle des femmes ouvrières dont elle servait les intérêts… Les femmes ouvrières n’ont pas le temps de lire… d’ailleurs, dans leur budget, un sou est un sou et l’on a un petit pain pour le prix d’un journal.  
On pensa que les oisives, les heureuses de la vie enfin averties s’intéresseraient au sort  de leurs sœurs infortunées… Bien moins encore que les ouvrières, les mondaines ont le temps de lire. Personne n’est plus occupé qu’une femme qui n’a rien à faire.

C’est dans les milieux intellectuels que La Fronde devait trouver son véritable terrain et la liste de ses abonnés étonneraient bien des gens par son éclectisme.
Il y figure actuellement deux impératrices, des princes, des savants, des artistes, des généraux, des hommes d’Etat et des gens d’Eglise. Seul parmi ces derniers, le père Dulac n’a pas été fidèle ! Il s’est désabonné cette année « faute de ressources nécessaires pour continuer », m’a t-il écrit. Avis aux âmes charitables.
Mais parmi les lecteurs et lectrices de la Fronde les membres de cet admirable personnel enseignant qui est la gloire de ce pays sont les plus nombreux et nombreuses et nous sont les plus chers, car si nous défendons leurs intérêts, ils sont les précieux auxiliaires de notre œuvre."

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Ah, tout de même, enfin quelqu'un qui reconnait que les enseignants ne sont pas (que) des fainéants gauchistes trop payés ! Merci madame Marguerite !

Au-delà de ce petit clin d'oeil personnel que je m'accorde, force est de reconnaître que Marguerite était une maîtresse femme, osant braver, osant innover, ne craignant ni l'opprobre, ni le ridicule, ni les menaces, ni la ruine. Une vraie courageuse. Une vraie femme, somme toute. Ah si je devais avoir - encore - une fille, je l'appellerais bien Marguerite, té. En hommage. Mais je me contenterais donc de ce message, qui, je l'espère vous incitera à oser, vous aussi.

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Commentaires
Splendeurs et misères d'une fille (à peu près) normale
  • Oh My God, Oh mon Dieu ! Telle la ritournelle, la vie déplie ses stupéfactions et ses ronrons dans ces pages hétéroclites (forcément), épiques, parfois ésotériques, souvent romantiques, un brin philanthropiques, et, je l'espère, nullement soporifiques.
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